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Réchauffement climatique, les plastiques jettent le froid
Faire face au réchauffement climatique est le défi que doit relever au plus vite l’humanité afin d’éviter l’emballement. L’heure n’est plus aux débats mais à l’action. Heureusement, des solutions, qui parfois s’appuient sur les propriétés des polymères, émergent ici et là.
Réchauffement climatique, les plastiques jettent le froid
Réchauffement climatique, les plastiques jettent le froid

Les plastiques font réfléchir la planète

Les scientifiques sont aujourd’hui unanimes : si réchauffement climatique il y a, on le doit très majoritairement à l’homme. Depuis la première révolution industrielle, il n’a cessé d’augmenter ses émissions de gaz à effet de serre, comme le méthane et, plus encore, le CO2. Or ces gaz stagnent dans l’atmosphère et forment un écran empêchant la chaleur de s’évacuer correctement dans l’espace. La planète se réchauffe et le climat se détraque. Pour refroidir la Terre, il faut donc réussir à aider la chaleur à mieux quitter notre atmosphère. Parmi les solutions, la première consiste à émettre moins de CO2, la seconde à « aider » la planète à se refroidir et la troisième à capter ce gaz pour l’éliminer.

Effet albédo* : les plastiques rayonnent

Depuis plus de 10 ans, c’est à chaque fin de printemps le même rituel. Plusieurs dizaines d’alpinistes déploient d’immenses bâches blanches de polyester et de polypropylène, des polymères ultrarésistants, sur différents glaciers alpins en Suisse, où tout a commencé, mais aussi en Italie, en Autriche, en France ou encore en Allemagne. Leur rôle est double : isoler la couche de neige de la chaleur estivale et améliorer la réflexion des rayons ultraviolets pour mettre un frein à la fonte des glaces. Cette technique a prouvé son efficacité, puisque différentes études estiment qu’elle a permis de réduire localement la fonte des neiges de 50 à 70%. C’est bien, mais ces mêmes études soulignent que ce chiffre est insuffisant par rapport au volume de la glace qui fond chaque année, notamment aux pôles.

 

Des bâches de plusieurs dizaines de mètres carrés, de polyester et de polypropylène, des polymères, sont étendues chaque année sur des glaciers alpins afin de les isoler de la chaleur et d’améliorer la réflexion des rayons solaires.

La banquise est elle aussi impactée par la fonte des glaces, mais le réchauffement climatique n’en est pas le seul responsable. En effet, la banquise s’assombrit à cause des dépôts laissés par les nuages de suie provenant notamment des centrales électriques au charbon. Or il est bien connu qu’une surface foncée a plus tendance à absorber la chaleur qu’à la disperser, contribuant ainsi au réchauffement climatique. En revanche, plus une surface est claire, plus le rayonnement solaire sera renvoyé vers l’espace. C’est ce qu’on appelle l’effet albédo*. Pour les scientifiques, ce phénomène est à surveiller de très près. Lorsque la banquise fond, elle découvre les sols ou les océans qui réfléchissent une part plus faible de rayons solaires et contribuent ainsi à la faire fondre plus rapidement. Un vrai cercle vicieux. 

*L’albédo désigne le pouvoir réfléchissant d’une matière ou d’une surface. Elle s’exprime en pourcentage : 0% signifiant que toute la lumière est absorbée et 100% que toute la lumière est réfléchie. Sa valeur est ainsi notée d’un chiffre allant de 0 à 1. Si l’albédo moyen de notre planète est de 0,3, elle a de grandes disparités, puisque la neige a une valeur moyenne de 0,8 alors que celle des océans est de 0,07…

Les polymères jettent un froid sur la banquise

L’effet aldébo est une voie prometteuse de la géo-ingénierie. Loin de baisser les bras, certains chercheurs proposent de pomper l’eau de mer et d’en arroser la banquise dès que la température est proche de 0 °C. C’est un peu le principe des canons à neige des stations de ski. Rien de bien compliqué donc… Si ce n’est qu’ici il faut désaliniser l’eau car, comme chacun sait, le sel et la glace ne font pas bon ménage. Une opération envisageable, mais qui nécessite encore beaucoup d’énergie électrique pour un rendement très moyen. Or, pour « reglacer » la banquise, on parle de millions de mètres cubes d’eau et donc de centaines de milliers de kilowattheures ! Il n’empêche que la science avance dans le domaine des membranes destinées à filtrer l’eau de mer.

 

Reglacer la banquise via des canons à neige serait envisageable, notamment grâce à l’effet conjugué des membranes polymères hautes performances et des cellules photovoltaïques polymères.

L’américain NanoH2O a mis au point une nouvelle membrane polymère en polysulfone, dont la taille des pores est très proche d’une molécule d’eau (autour du nanomètre). Or, lorsque la taille des pores de la membrane est équivalente à celle des molécules d’eau, ces dernières se connectent les unes aux autres pour former une sorte de fil, ce qui permet d’accélérer le débit sans pour autant augmenter la quantité d’énergie nécessaire.

Autrement dit, ces nouvelles générations de membranes permettent un rendement nettement supérieur. Une technologie qui pourrait se coupler avec celle du français Mascara, qui a développé une centrale de désalinisation autonome fonctionnant grâce à des cellules photovoltaïques polymères. Les premiers tests sont très concluants. Certes, cette mini-usine était installée en Arabie saoudite, mais le soleil est également présent aux pôles, notamment à l’intersaison où les températures sont déjà suffisamment froides pour faire fonctionner les canons à neige.

Les plastiques en connaissent un rayon

D’autres entreprises ont eu l’idée de concevoir des panneaux solaires flottants. Les panneaux photovoltaïques reposent sur une armature modulable en polyéthylène haute densité (PE-HD) et s’emboîtent un peu comme un jeu de construction. Il est ainsi possible de couvrir des espaces plus ou moins importants.

L’idée est de les installer en priorité sur des réservoirs artificiels (bassins d’irrigation, réservoirs d’eau potable, étangs d’aquaculture, lacs de carrières) pour ne pas perturber la nature. Bien entendu, leur fonction première est de produire une électricité verte mais pas uniquement… Et pour cause, l’albédo d’un panneau solaire est largement supérieure à celle d’une étendue d’eau, qui est souvent proche du noir.

 

Les panneaux solaires flottants reposant sur une armature de plastiques ont également un effet non négligeable sur la réflexion des rayons solaires.

C’est certes une goutte d’eau, mais n’est-ce pas à partir des petites rivières que se font les grands fleuves ? Pour en finir avec l’albédo, une étude de l’Université canadienne de Concordia datant de 2012 estimait alors qu’accroître de 0,1 la valeur de l’albédo des villes permettrait d’éviter une émission de 130 à 150 milliards de tonnes de CO2 pendant 50 ans. Ce n’est pas rien sachant que l’émission mondiale de CO2 est de l’ordre de 40 milliards de tonnes par an. De là à en conclure qu’il faudrait peindre tous les toits en blanc, il n’y a qu’un pas… Sauf que, pour créer ce véritable bouclier thermique, il ne suffit pas de peindre son toit avec une peinture ordinaire, il faut en utiliser une dite « thermique ». Celle-ci, en augmentant la réflexion des rayons solaires, permet d’éviter aux bâtiments d’emmagasiner de la chaleur en été et donc de limiter l’utilisation de climatisation.

 

Les peintures à base de PVDF ou encore les films de polyoléfine permettent aux toitures d’atteindre un coefficient albédo frôlant avec le maximum possible.

Ces peintures sont ainsi enrichies de polymères comme le latex de polyfluorure de vinylidène (PVDF) développé par Arkema. Ce polymère donne une blancheur quasi parfaite aux peintures et permet ainsi aux toits d’avoir un coefficient albédo proche du 1. C’est ce revêtement que l’on trouve désormais sur le toit du court central de Wimbledon, la Pearl Tower à Shanghai ou le Renaissance Center à Détroit, et sur de très nombreux bâtiments et gratte-ciel sur la planète. D’autres constructions, comme l’aéroport d’Amsterdam, ont préféré poser sur l’ensemble de leurs toits des films thermoplastiques en polyoléfine, un matériau recyclable qui ne nécessite aucun entretien et qui peut rester en place une cinquantaine d’années. De plus, il est très résistant aux agressions chimiques, comme celles dues au kérosène très présent sous forme de vapeur dans les aéroports. Comme la peinture à base de PVDF, sa blancheur lui permet de renvoyer avec efficacité les rayons solaires vers l’espace, c’est même l’une de ses priorités. 

Retrouvez ci-dessous l’ensemble des articles sur l’usage des polymères dans le secteur du bâtiment :

Un revêtement polymère réfléchissant pour rester au frais

Isolant taille mannequin

Une couverture géante pour garder un glacier au frais !

Des stations solaires qui flottent sur l’eau

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