Paroles d'expert 3 min

Algues brunes pour plastique bleu

Rencontre avec Rémy Lucas, fondateur et directeur d’Algopack, une start-up qui a réussi le tour de force de fabriquer un plastique 100% naturel à base d’algues.
Algues brunes pour plastique bleu
Algues brunes pour plastique bleu

Comment vous est venue l'idée d'utiliser des algues pour fabriquer du plastique ?

J’ai quelque peu croisé mon histoire personnelle. Je suis issu d’une famille de goémoniers, des pêcheurs spécialisés dans la récolte d’algues. Je n’ai cependant pas suivi la tradition familiale puisque j’ai travaillé durant une bonne quinzaine d’années dans la plasturgie traditionnelle, plus exactement dans le domaine du thermoformage et de l’injection. Nos clients étaient nombreux à s’intéresser aux plastiques d’origine végétale. Je sentais bien qu’un nouveau marché pouvait s’ouvrir. Le passé familial m’a rattrapé et je me suis intéressé à l’algue qui contient les molécules nécessaires à la fabrication du plastique.

Quels sont les procédés de fabrication ? 

Je tiens à rester très discret sur ce sujet. Tout ce que je peux dire c’est que nous sommes les premiers au monde à avoir développé cette technologie qui a entraîné le dépôt de plusieurs brevets. Il aura fallu tout de même une petite dizaine d’années pour la mettre au point. La plus grande difficulté a été de trouver dans l’algue une molécule naturelle qui se comporte comme les molécules utilisées dans les matériaux pétrosourcés habituels. Mais ce n’est là qu’une partie de nos innovations, qui reposent majoritairement sur des process thermiques et mécaniques. Enfin, j’insiste sur ce dernier point, on ne rajoute aucun autre produit : le matériau Algopack est composé à 100% de cette molécule d’algues.

 

D'où proviennent ces algues ? 

Ce sont des algues brunes cultivées en Bretagne. Les algues sont magiques. Elles captent le CO2 et renvoient de l’oxygène dans l’eau, ce qui favorise le plancton et donc le développement de nourriture pour les coquillages. Nous encourageons la polyculture c’est-à-dire l’association de cultures d’algues avec d’autres cultures marines. Le poisson se raréfie, la filière pêche souffre et de nombreux pêcheurs restent à quai. Développer des filières d’algues permet d’apporter des solutions à l’emploi, tout en respectant la biodiversité des zones. Mais ce n’est pas le seul avantage, loin s’en faut : par exemple, la culture d’algues n’a pas besoin de pesticides ni d’engrais, contrairement aux autres biomatériaux qui proviennent du maïs ou de la canne à sucre, tous deux grands consommateurs d’eau. Et puis, nous n’empiétons pas sur le foncier agricole.

Quels sont les débouchés de vos nouveaux plastiques ?

Notre catalogue se compose pour le moment de deux matériaux : l’Algoblend, un matériau composé à 50% d’algues et à 50% de plastique traditionnel, et l’Algopack, un matériau composé à 100% d’algues. Le premier a l’agrément « contact alimentaire » et « jouets » ; les débouchés sont donc très nombreux. Autre avantage, l’Algoblend est moulable à une température de 170 °C contre 220 °C pour les plastiques traditionnels. Les transformateurs y voient aussi une façon de réduire leurs coûts de production d’autant que ce matériau s’utilise dans les moules et les extrudeuses du marché, sans nécessiter d’investissements complémentaires.

Quant à l’Algopack, il est encore actuellement sur des marchés de niche car notre production demeure faible. Il n’est pas encore apte au contact alimentaire, mais nos recherches avancent puisque nous sommes en train de mettre au point une solution pour empêcher le matériau de se dégrader au contact des aliments. Depuis peu, nous développons également une activité de transformateur pour l’Algopack. C’est un matériau qui réagit très bien dans un environnement électromagnétique. Nous fabriquons ainsi des coques de clés USB. Enfin, un lunettier nantais propose désormais une gamme de montures en algue.

 

Qu'en est-il de la fin de vie de ce plastique végétal ?

L’Algopack est biodégradable et compostable, il se dégrade en douze semaines s’il est enfoui en terre. Cela permet de retrouver l’une des fonctions historiques de l’algue qui est un fertilisant naturel. Et s’il finit dans l’eau, il se dégradera en quelques heures sans polluer. D’ailleurs de nombreux industriels étrangers, au Japon, aux Etats-Unis ou encore en Irlande, s’intéressent de très près à nos travaux. Dans ces pays, nous avons entrepris des tests de compatibilité avec les algues locales. Les résultats sont probants ! Le process est donc développable partout dans le monde, avec des algues locales non invasives. En faisant l’analyse du cycle de vie de nos produits, nous ne pouvons que constater que nous sommes bien loin du greenwashing !

POUR EN SAVOIR PLUS

www.algopack.com/

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