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Plastique tu es, plastique tu redeviendras
Après une vie de bons et loyaux services, les plastiques ont-ils un avenir ? Qui dit déchets plastiques pense généralement recyclage des emballages. Pourtant, les plastiques se sont imposés dans d’autres domaines comme le bâtiment et l’automobile où ils absorbent déjà près de 30% de la production toujours croissante de ces matériaux. Que faire des plastiques usagés ? A l’heure de l’économie circulaire, telle est la question.
Plastique tu es, plastique tu redeviendras
Plastique tu es, plastique tu redeviendras

Des filières qui montent, qui montent

Autres grands utilisateurs de matériaux plastiques, les secteurs du bâtiment et de l’automobile cherchent eux aussi à valoriser leurs déchets. Beaucoup d’efforts sont faits, et quelques filières ont vu le jour ces dernières années.

Batîment : les plastiques crèvent le plafond

En Europe, le secteur du bâtiment et de la construction est le deuxième consommateur de matières plastiques juste derrière l’emballage. En seulement deux décennies, les polymères se sont imposés dans différents segments : revêtements de murs et de sols, plafonds tendus,  tuyauterie – canalisations, tubes, raccords –, panneaux d’isolation, câbles, sans oublier les châssis de fenêtres et les aménagements intérieurs. Résistance à la corrosion et au feu, durabilité, pouvoir isolant, faible coût et esthétique font qu’aujourd’hui, grâce à tous ces atouts, il n’y a plus un seul chantier sans plastiques. Chaque année plus de 10 millions de tonnes de plastiques sont utilisées dans ce secteur, dont la moitié environ est constituée de PVC, un matériau qui, à lui seul, génère tous les ans 1,5 million de tonnes de déchets.

Le PVC, boucle la boucle

A la fin des années 1990, malgré les services rendus, l’image du PVC n’était pas au plus haut, car ce matériau ne se recyclait pas. Les industriels du PVC ont alors décidé de mettre en place une filière de recyclage en encourageant la collecte auprès des professionnels de la construction et du bâtiment. Lancé en 2000, Vinyl 2010 avait pour objectif de recycler 200 000 tonnes de PVC en dix ans. En 2010, avec 260 000 tonnes de PVC recyclées en Europe, le pari était gagné et, dans la foulée, la profession se fixait un objectif de 800 000 tonnes pour 2020.

Dans le même temps, il s’agissait de trouver des solutions au recyclage des éléments les plus compliqués, comme les câbles ou les bâches. La mise au point du procédé Vinyloop fut un véritable tour de force. Après broyage, les déchets sont dissous dans un solvant, et le PVC est ainsi séparé des autres matériaux tels que les particules de cuivre, les fibres polyester, les textiles naturels, les métaux, le caoutchouc… Le produit final est un PVC pur qui peut être de nouveau utilisé pour fabriquer des tuyaux ou des châssis de fenêtres par exemple.

Parfois, ce sont les fabricants de produits finis eux-mêmes qui mettent en place leurs propres filières de recyclage. Ainsi, le fabricant de fenêtres allemand Veka collecte désormais directement sur les chantiers les menuiseries PVC en fin de vie. Les châssis sont entièrement démontés et séparés en différents éléments – structure, quincaillerie, joints, pattes de fixation… Le PVC est ensuite nettoyé et broyé, et les granulés obtenus entrent dans la composition de nouveaux châssis, voire de sol PVC.

Le français Ferrari a lui aussi créé sa propre filière pour recycler les centaines de mètres carrés de ses bâches usagées en s’appuyant sur un process nommé Texyloop, une technologie maison assez proche de Vinyloop. Les bâches en fin de vie sont triées et broyées, puis acheminées à l’usine de Ferrare, en Italie. Elles sont alors introduites dans un réacteur de dissolution sélective où les fibres sont dissoutes, filtrées, nettoyées et extraites. La solution va ensuite être précipitée, ce qui permettra de séparer le PVC du solvant. Le solvant sera régénéré et réinjecté dans le circuit de recyclage. Quant au PVC, il trouvera une nouvelle vie sous la forme de membranes d’étanchéité, de semelles non tissées pour isolation et même de tissus pour l’ameublement ou la confection.

Les constructeurs automobiles appuient sur le champignon

En Europe, approximativement 10 millions de véhicules sont mis à la casse chaque année. Une directive européenne fixe des objectifs ambitieux pour le secteur du recyclage. A ce jour, 85% du poids d’une voiture hors d’usage doivent être recyclés, avec un maximum de 5% par valorisation énergétique. Pour 2015, la directive ordonne que le pourcentage de recyclage atteigne 95%, avec un maximum de 10% de récupération énergétique. Aujourd’hui, les polymères représentent 20% du poids d’un véhicule. La raison en est connue : plus légers que les métaux, les plastiques participent grandement à l’allégement des véhicules et à la course à la réduction de leur consommation que se livrent les constructeurs depuis une bonne trentaine d’années.

Ces mêmes constructeurs espèrent d’ailleurs, à moyen terme, faire évoluer ce taux vers les 50% en suivant le modèle du secteur aéronautique qui, avec des appareils comme l’Airbus A350 ou le Boeing 787, intègre déjà fortement des matières plastiques. A l’instar du bâtiment, l’industrie automobile attache de plus en plus d’importance au recyclage des plastiques, et plus particulièrement du polypropylène, un thermoplastique très largement utilisé dans l’automobile.

Des filières en voie de maturité

Côté recyclage, les choses s’organisent, et un peu partout en Europe fleurissent de nouvelles structures capables de trier les composants des véhicules et de les transformer en matières réutilisables. Parmi eux, la société belge Galloo, un des leaders du domaine. Sa force : être un des premiers à s’être lancé dans l’aventure du recyclage des plastiques issus de l’automobile et des équipements électriques et électroniques (DEEE). « En trente ans, nous avons eu le temps d’affiner nos méthodes et de trouver les bonnes solutions ! Aujourd’hui nous parvenons à mettre sur le marché des compounds purs à 98%. Les équipementiers automobiles s’y intéressent de très près, car ils sont avant tout à la recherche de propriétés mécaniques et celles de nos plastiques recyclés sont équivalentes à celles de la matière vierge. »

Surtout, le modèle économique d’une entreprise comme Galloo est tout à fait viable. « Les recycleurs doivent avant tout trouver le moyen de séparer les matières présentes dans un véhicule. Une première étape consiste à démonter les véhicules et à trier les pièces en fonction de leur famille : métaux, verre, plastiques… Les plastiques sont ensuite broyés sans que nous nous préoccupions de leur nature. Après passage en broyeuse, ils ressortent sous la forme de plaques de 5 à 6 cm de côté généralement monomatériau, car dans l’automobile les pièces de plastique sont le plus souvent fabriquées à partir d’un seul polymère. Les composites de différents polymères restent relativement rares dans les véhicules usagés que nous traitons actuellement. Au final, nous passons ces plaques dans des tables densimétriques afin de séparer les éléments selon leur densité.

C’est une technique que nous maîtrisons maintenant parfaitement et grâce à laquelle nous parvenons de façon très satisfaisante à séparer les différents polymères pour ensuite les transformer en granulés par un processus d’extrusion. » Aujourd’hui Galloo parvient à recycler plus de 95% d’un véhicule, un score supérieur à ce qu’impose la directive européenne.

Equipe de choc pour pare-chocs

Les constructeurs ont commencé à introduire du plastique recyclé dans leurs véhicules très timidement, et essentiellement dans des pièces peu visibles comme les carters. Pourquoi ? Pour des raisons esthétiques, les qualités intrinsèques des plastiques recyclés étant sensiblement les mêmes : dans un domaine où la politique de qualité est sans faille, il était inconcevable pour les constructeurs de mettre sous les yeux de leurs clients des plastiques qui n’étaient pas visuellement d’une parfaite pureté. Ainsi, sur un modèle de dernière génération, on trouve à peine 15% de plastiques recyclés, dont 80% de polypropylène. Cependant, la donne est en train de changer, surtout depuis qu’en 2012 Plastic Omnium a réussi à concevoir, pour la Peugeot 208, un pare-chocs entièrement à base de plastiques recyclés faisant ainsi monter le taux d’utilisation de plastique recyclé dans ce véhicule à 20%. Une première mondiale qui devrait fortement inspirer les autres constructeurs.

 

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