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Grandes manœuvres autour des plastiques
Dans le secteur des industries de défense où le métal a toujours occupé une place prépondérante depuis des millénaires, l’émergence puis la diversification des polymères marquent depuis un siècle les principales évolutions.
Grandes manœuvres autour des plastiques
Grandes manœuvres autour des plastiques

Garder l'initiative, avec les matières plastiques 

Le champ de bataille est une jungle où l’avantage va à celui qui sait rester invisible ! Ajoutant l’efficacité offensive à la sécurité défensive, l’art du camouflage est devenu l’une des spécialités les plus pointues de la recherche militaire. Mais bien plus qu’un simple mimétisme, elle vise désormais la furtivité des engins et des combattants afin de déjouer les capacités de détection de l’ennemi. Pour cela, ils doivent être en mesure de jouer sur plusieurs tableaux en réduisant la signature électromagnétique de l’écho radar, le rayonnement infra-rouge des sources de chaleur et, en mer, les phénomènes acoustiques captés par le sonar. 
Ces trois points sensibles qui rendent vulnérables des matériels militaires bardés de métal et motorisés ont ouvert un formidable champ d’application pour des matériaux non-conducteurs et isolants comme les résines plastiques…

Les composites jouent sur tous les tableaux 

Quasiment transparents aux ondes radar et sonar, les composites à matrice polymère se sont révélés d’abord de parfaits candidats pour la fabrication des dômes qui recouvrent ces appareils de détection. Leur légèreté s’est avérée, par ailleurs, un atout appréciable pour l’aéronautique militaire.
Pourtant, ces matériaux légers et perméables aux ondes possèdent également des propriétés très utiles en termes de furtivité. Leur pouvoir intrinsèque d’amortissement permet, par exemple, d’atténuer les vibrations et les bruits des navires en mouvement, à l’écoute du sonar.

 

Ce potentiel d’absorption a également été mis à profit pour mettre au point des matériaux RAM (Radar Absorbent Materials) capables de réduire l’écho radar et la signature infrarouge. Pour cela, des composites, à base de carbone, de silicone ou de polyuréthanes, sont enduits de polymères conducteurs, comme la polyaniline, chargés de particules de ferrite capables de piéger les ondes non absorbées par les couches inférieures.
Non moins important est le rôle des peintures et finitions appliquées sur les matériels neufs ou lors des opérations de maintenance, hélas assez fréquentes avec ces matériaux assez fragiles. Certains engins reçoivent ainsi une vingtaine de couches successives destinées à renforcer la furtivité grâce à leurs propriétés isolantes, réfléchissantes, électromagnétiques ou antivibratoires… D’autres, comme le Rafale, sont recouverts pour certaines missions, d’une peinture susceptible de les rendre encore plus furtifs.

Le tigre ne laisse plus de traces 

Aucun matériau n’est efficace dans tous les registres de la furtivité laquelle doit, en outre, protéger les parties les vulnérables des matériels. 
C’est pourquoi l’objectif de furtivité multi-spectrale (à la fois radar, infrarouge et acoustique) ne peut être atteint que par la combinaison de plusieurs solutions comme celles imaginée pour l’hélicoptère franco-allemand Tigre. 
Outre le design géométrique de l’engin, sa faible signature radar repose sur des innovations liées à la chimie des polymères comme la structure constituée à 80% de matériaux composite - essentiellement du Kevlar et des fibres de carbone – et l’usage de peintures absorbantes. 
Côté infrarouge, on insiste volontiers sur le réducteur des émissions thermiques des turbines… Tout en oubliant les recherches très poussées sur la mousse polymère des pales et leur géométrie, qui ont largement contribué à la furtivité de l’appareil.

Après la guerre du Kosovo, place aux nanos !

Certains systèmes de défense aérienne - pas toujours les plus sophistiqués - sont en mesure de déjouer les matériaux RAM (Radar Absorbent Materials) les plus performants… C’est le cas, par exemple des radars dits « passifs » qui ne sont, en fait, que des récepteurs capables de capter l’écho des antennes relais sur les aéronefs. 
L’OTAN qui en a fait les frais, le 27 mars 1999, au Kosovo soupçonne les forces serbes d'avoir utilisé un radar de ce type pour abattre le bombardier furtif américain F-117 Night Hawk.
Pendant que les russes examinent l’aile intacte offerte par leurs alliés serbes et que des agents chinois battent la campagne à la recherche de débris, l’US Air Force s’active à trouver la parade.

Ses ingénieurs proposeront finalement l’adjonction d’une résine chargée de nanoparticules absorbantes sur les sections de l’appareil les plus exposées aux signaux radars.

Nécessaire, cette parade n’aura sans doute pas suffit. Le redoutable « faucon nocturne » a tiré sa révérence en 2008, soit 10 ans avant la date prévue. Sa chute aura néanmoins ouvert la voie aux nanoparticules dans le domaine de la furtivité.

 

Le Graal de la furtivité avec les métamatériaux !

Mais les industries de défense préparent déjà la nouvelle génération de technologies furtives, non plus passives mais actives. 
Pour cela, les ingénieurs misent sur le développement de composites nanostructurés ou de métamatériaux, souvent à matrice polymère, qui sont structurés de manière à stopper ou à dévier la propagation des ondes optiques, acoustiques ou électromagnétiques dans la matière.
Objectif : la fabrication de nouveaux revêtements capables d’effacer voire de maquiller les signatures radar ou infrarouge des engins pour tromper les systèmes de détection.

Certains revêtements souples permettent ainsi d’atténuer l’écho radar d'un véhicule mais aussi d’élever ou d’abaisser la température de surface apparente d’un véhicule pour l'aligner sur celle de l'atmosphère ambiante. Il devient alors pratiquement indétectable. 
C’est le cas de la bâche BZ 200 adoptée par les membres du commando Hubert. Testée avec les moyens de détection les plus sophistiqués de la Marine nationale française, elle est parvenue à dissimuler totalement leurs embarcations légères jusqu’à un mille marin de l’objectif.

 

L'art du caméléon refait surface 

Le camouflage traditionnel est fastidieux et couteux. Les peintures s'abiment vite et, surtout, il est impossible de disposer du motif adapté à chaque théâtre d’opération. L’idéal est donc de changer de peau comme un caméléon. 
C’est désormais possible grâce au camouflage électronique dynamique du même nom présenté, en France, au salon Eurosatory en 2014. Ce système utilise une peau active multispectrale qui engloble les spectres de lumière du visible à l’infrarouge, de manière à tromper à la fois la vision "normale" ou "thermique".
Son développement repose sur six technologies d’avant-garde parmi lesquelles on trouve celle des cristaux liquides, capables de réfléchir la lumière de façon sélective ainsi que l’usage de diodes organiques électroluminescentes (Oled) indispensable à la fabrication d’écrans plastiques souples.

DisaSolar, une start-up française spécialiste du photovoltaïque a opté pour une approche encore plus originale en développant des panneaux susceptibles, à la fois, d'assurer plus d’autonomie aux équipements électroniques des unités en opération et de camoufler leur présence en épousant la forme et la couleur de l'environnement.

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